L’ambigüité vient de loin. Dès le lancement du cadastre napoléonien, les plans se contredisaient, d’un village à l’autre, et souvent à l’intérieur d’un même département. En Meuse, Halles-sous-les-Côtes et Mauvages révèlent le casse-tête juridique non tranché depuis deux siècles : entre la rue centrale et les anciens corps-de ferme, les usoirs dont la largeur atteint jusqu’à 15 m, relèvent-ils du domaine public ou de la propriété privé ?
Vérité à Mauvages, mensonge au-delà
Au XIXème siècle, le plan cadastral de Halles-sous-les-Côtes répond par la première option, alors que celui de Mauvages tranche pour la seconde. Les arbitrages pris à cette occasion continuent à structurer les aménagements des deux villages, deux siècles plus tard.
Auteur d’un mémoire qui lui a permis de valider son diplôme à l’aube de sa carrière de géomètre-expert en 2014, François Breton identifie deux causes à cette incohérence : « L’administration manquait de personnel qualifié pour répondre à la commande napoléonienne des plans cadastraux. Faute de réglementation sur le sujet, le géomètre expert affecté à cette tâche tranchait selon son intime conviction »…
Mémoire vivante
L’extension récente de Halles-sous-les Côtes témoigne de la clairvoyance du lointain prédécesseur meusien de François Breton : en dégageant des espaces enherbés entre les maisons et la nouvelle rue, la commune a créé un lien entre son tissu urbain historique et son nouveau quartier. Ce choix la distingue des nombreux villages qui ont opté pour des lotissements standards, en rupture avec leur histoire. A l’inverse, les plans cadastraux qui avaient introduit la privatisation des usoirs ont accéléré l’effacement de la mémoire urbaine.
A l’instar de Halles-sous-les-Côtes, de nombreux villages lorrains choisissent la voie de la fidélité. Une récente brochure du Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) de Moselle les y encourage, de même que la charte du parc naturel régional de Lorraine.
En pleine renaissance
« Certaines communes profitent de l’élaboration des cartes communales pour inscrire les usoirs en zone naturelle non constructible », souligne François Breton. Voisine de la Lorraine, la Wallonie a systématisé la protection de ses usoirs, comme il a pu le constater lors de la rédaction de son mémoire.
Cœur des discussions sur l’avenir des villages meusiens entre la chambre d’agriculture, le CAUE, les communes et les services de l’Etat, le rebond des usoirs a frappé le géomètre-expert, au cours de ses investigations. « Leur mise en valeur fait partie de notre quotidien », confirme une architecte urbaniste lorraine invitée aux derniers « rendez-vous de la SFU », consacrés au sujet, le 7 septembre.
En quête d’usages
Reste la question clé des usages, posée lors de cette même rencontre par Bruno Ferracci, président d’honneur de la SFU : « Lorsqu’ils servaient à entreposer les tas de fumier, les usoirs assuraient la double fonction de contribuer à l’activité agricole et de mettre en scène la richesse des exploitants sur la voie publique. Les aménagements paysagers contemporains ou les espaces de stationnement privatifs se limitent à cette seule fonction de représentation », remarque l’urbaniste.
Ouverte par Bruno Ferracci, la piste des mobilités douces se heurte à la réalité des villages : faute de commerces et suite à la raréfaction des pratiques religieuses, les déplacements piétons s’y réduisent comme peau de chagrin. La question des usages des usoirs renvoie dès lors à celle de la renaissance des espaces publics ruraux.
Echos mondiaux
Au-delà des spécificités régionales, Laurent Vigneau, coprésident de la SFU, identifie dans l’héritage lorrain l’écho d’une problématique universelle évoquée récemment par le chercheur canadien Nicolas Saunier, dans son livre « Reconquérir les rues ». « L’exemple du quartier Vauban de Fribourg-en-Brisgau, visité par nombre d’élus français, fait partie des interprétations contemporaines du même concept d’espaces semi-publics », souligne Laurent Vigneau.
D’où l’hypothèse formulée par l’architecte et urbaniste Jacques Vialettes : dans son empressement à sacraliser la propriété privée, la révolution française aurait trop vite laissé s’étioler ces lieux intermédiaires qui révèlent une vertu précieuse, comme facilitateurs du vivre ensemble. Raison de plus pour revisiter l’héritage.
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