La Chapelle-Longueville, Vexin-sur-Epte ou encore Saint-Marcel (Eure)… Plusieurs communes de Seine Normandie agglomération (SNA) préparent un nouveau Plan local d’urbanisme (PLU) notamment pour répondre à l’objectif Zéro artificialisation nette des sols.
À quoi sert un PLU ? Comment repenser l’urbanisme pour répondre aux enjeux environnementaux ? Qu’aura-t-on le droit de construire et où à l’avenir ? Christine Boisseau, urbaniste au Conseil d’architecture d’urbanisme et d’environnement de l’Eure répond à nos questions.
Vous êtes urbaniste au Conseil d’architecture, d’urbanisme et d’environnement de l’Eure (CAUE). Pouvez-vous expliquer quelles sont vos missions ?
Le CAUE est une association, satellite du département, reconnue d’utilité publique. Elle est financée, en partie, grâce à la part départementales de la taxe d’aménagement. Nous ne réalisons pas de Plan local d’urbanisme (PLU) mais nous conseillons les collectivités en amont pour l’élaboration de ce document. Nous intervenons pour que tout se passe bien et pour faciliter le travail des collectivités.
Par exemple, nous avons été sollicités par les communes de Saint-Marcel et de La Chapelle-Longueville, avant l’élaboration de leur PLU. Nous pouvons leur donner un avis. Notre mission est aussi de les orienter en leur donnant des exemples de ce qu’il est possible de faire.
À quoi sert le PLU et à quelles règles est-il soumis?
Pour faire simple, le Plan local d’urbanisme détermine les parcelles constructibles d’une commune. C’est un document assez technique qui permet de définir ce qu’on a le droit de faire ou non sur un terrain. Les mairies ont une marge de manœuvre assez large. Toutefois, leur PLU doit respecter le Code de l’urbanisme qui découpe le territoire en quatre types de zones : espace agricole (terres cultivées), espace naturel, espace urbanisé et espace à urbaniser.
Sur les zones agricoles, les terrains sont inconstructibles sauf s’il s’agit d’un bâtiment nécessaire à l’exploitation type hangar. C’est-à-dire qu’on ne peut pas construire de maison sauf s’il s’agit de l’habitation de l’agriculteur.
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Les espaces naturels concernent aussi bien les zones boisées que les zones humides. Ces espaces ne sont pas constructibles. Une exception est faite s’il s’agit d’un bâtiment nécessaire à la mise en valeur d’une forêt.
Comme son nom l’indique, l’espace urbanisé est une zone qui comporte déjà des habitations mais aussi une activité industrielle, artisanale, commerciale. Il est donc constructible.
Enfin, l’espace à urbaniser est un endroit non bâti mais qui est appelé à le devenir. On peut donc construire sur cet endroit à condition que les parcelles soient desservies par un réseau d’eau, d’électricité et de sécurité (bouche d’incendie à proximité par exemple, Ndlr). Il doit y avoir une voie d’accès et elle ne peut pas être enclavée.
« C’est très précis »
Les mairies sont donc assez libres finalement.
Oui, elles peuvent très bien décider de construire une tour de 21 étages ! Les communes rurales et les villes comme Paris sont soumises aux mêmes droits et devoirs, cités plus haut. Toutefois, il faut rester en cohérence avec son territoire et avec la législation nationale. De plus, les élus portent une lourde responsabilité puisque le PLU a la même valeur que ce qui est écrit dans le Code de l’urbanisme. C’est relatif à la loi.
Même si les mairies ont une marge de manœuvre assez grande, le PLU est soumis à un contrôle de légalité réalisé par la préfecture qui détermine s’il est conforme à la loi. Le PLU est aussi dépendant d’autres documents d’urbanisme. Il s’inscrit dans un système d’emboîtement.
On pourrait comparer cela à des poupées russes. Le PLU doit être conforme, par exemple, au Scot (Schéma de cohérence territoriale), un document de planification réalisé à l’échelle intercommunale (dans notre territoire, à l’échelle de Seine Normandie Agglomération, Ndlr). Ce dernier va déterminer les grandes orientations d’aménagement à l’échelle de l’agglomération : commerce, logement, énergies renouvelables... Le PLU, lui, détermine ce qu’il est possible de faire sur une parcelle, au mètre près. C’est très précis.
« La France n’est pas extensible »
Vous dites qu’il est impossible de construire sur des terres agricoles pourtant des projets continuent de se réaliser sur ces zones. Comment expliquer cela ?
Depuis l’après-guerre, beaucoup de nouvelles zones à urbaniser ont été prises sur des terres agricoles : champs, prairies… C’est ce qu’on appelle l’étalement urbain. On prélève des terres agricoles, qui dans le PLU, ne sont plus classées comme telles et deviennent des zones à urbaniser. Aujourd’hui, nous disons qu’il faut arrêter cela. En effet, en France, on urbanise l’équivalent d’un département français tous les 10 ans et ceci depuis 70 ans. La France n’est pas un territoire extensible. Si nous voulons continuer à pouvoir manger, il faut repenser notre façon de faire.
Loi Climat et résilience
Pour cela, la loi Climat et résilience a été promulguée en 2021. Elle contient notamment l’objectif Zéro artificialisation nette (ZAN). Qu’est-ce que cela implique pour les collectivités ?
L’objectif Zéro artificialisation nette des sols a été mis en place pour plusieurs raisons : préserver nos ressources alimentaires, améliorer notre gestion de l’eau et de la biodiversité et limiter les effets du réchauffement climatique. D’ici 2030, les collectivités devront réduire de moitié leur consommation des sols par rapport aux dix années précédentes. Par exemple, si un territoire a consommé 100 hectares entre 2010 et 2020, il devra réduire à 50 hectares sa consommation entre 2020 et 2030 puis atteindre une Zéro artificialisation nette en 2050.
Pourtant, à l’heure actuelle, des lotissements continuent de se construire sur des terres agricoles malgré cet objectif.
Les collectivités vont devoir consommer moins de terres et c’est une chose à prendre en compte dans les documents d’urbanisme ou PLU qui sont en cours d’élaboration. Par contre, la Zéro artificialisation nette ne veut pas dire qu’il n’y aura plus de construction. Il faudra d’abord les construire sur les terrains disponibles sans consommer de terres agricoles, et en dernier recours, si un hectare agricole doit être urbanisé, il faudra compenser en cédant un hectare pour l’agriculture.
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« Repenser notre façon d’urbaniser »
C’est un jeu de balancier. En fait, il faut repenser notre façon d’urbaniser. Il faut revoir les implantations sur les parcelles. Le ZAN, c’est un virage à 180 degrés. Il y a toujours un temps d’adaptation.
Les communes rurales sont de plus en plus convoitées, notamment par une population citadine. Comment répondre à cette demande d’habitat en hausse tout en limitant l’étalement urbain?
Il faut savoir qu’à l’échelle de l’Eure, la population ne croît plus. C’est évidemment très différentiel en fonction des territoires. Certes, il y a une demande de nouveaux logements mais il faut aussi prendre en compte que nous sommes moins nombreux à vivre sous le même toit (famille monoparentale, personnes célibataires, etc.Ndlr).
Des communes comme La Chapelle-Longueville et Saint-Marcel, proches de Vernon et situées dans l’axe Seine, très attractives, pourraient avoir des besoins. Mais au lieu de construire de nouvelles habitations qui consomment des matériaux, nous pourrions plutôt miser sur les logements vides. Par exemple, la Ville d’Évreux compte de plus en plus de logements vacants. C’est une première piste.
Une solution : les logements vacants
Ensuite, nous avons aussi des espaces bâtis non occupés comme les friches artisanales et industrielles. Les bâtiments restent vides puisqu’il n’y a plus d’activité. Ces espaces peuvent être reconquis (Exemple avec les projets immobiliers sur site de Comeco ou encore à l’ancien magasin Netto à Gasny qui feront l’objet d’une réhabilitation et accueilleront plusieurs logements, Ndlr). Tous ces espaces, dont on ne s’occupait pas jusque-là, pourraient être une solution. Il y a également les dents creuses, ces petites parcelles non exploitées qui pourraient être intéressantes.
Annoncez-vous la fin des constructions pavillonnaires ?
En milieu rural, les pavillons étaient prédominants pendant les années 70. Ils ont très bien répondu aux besoins de logements. De plus, nous avions les moyens de faire de l’étalement urbain et de développer les réseaux.
« Sobriété foncière »
Aujourd’hui, nous sommes dans un contexte économique différent et nous ne sommes plus dans une progression démographique. L’heure est à la sobriété foncière. Les pavillons sont trop consommateurs. Ce n’est pas pour autant qu’il va falloir faire des barres et des tours d’immeubles partout !
Nous savons faire autrement et ce sera le travail des urbanistes et des architectes d’accompagner les communes. Si on continue d’urbaniser comme on l’a fait jusque-là, on va droit dans le mur. Il faut qu’on dévie de cette trajectoire avant de l’atteindre ! Certes, c’est une révolution, ça peut paraître difficile mais nous avons les compétences et nous pouvons mobiliser l’ingénierie pour changer de cap. Il faut faire le choix de mettre les investissements ailleurs que là où ils ont été mis ces dernières années.
Malgré l’objectif ZAN, des projets comme le Village des marques à Douains voient le jour. N’est-ce pas contre-productif ?
C’est un fait, le Village des marques a consommé beaucoup de terres agricoles. Les équipements structurants sont évidemment en haut de la liste des projets pour lesquels les élus font des exceptions car on estime qu’ils contribuent à l’économie du territoire et créent de l’emploi.
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Les opposants répondront oui, mais à quel prix. Ce projet ne date pas d’hier. Il a peut-être été conçu à une époque où l’on était moins attentif à ce type d’enjeu. Ce genre de projet, il y en a partout en France.
Ce sont des projets auxquels on apporte une justification économique. La vraie question est de savoir comment créer de l’activité économique aujourd’hui en prenant en compte les enjeux de demain. En dehors de ces équipements de taille, les zones d’activités ont aussi beaucoup consommé de terrains. Pourtant, elles sont nécessaires à notre économie. C’est tout cela qu’il faut repenser. C’est aussi facile de pointer du doigt l’habitat parce qu’il s’agit de particuliers mais il est plus compliqué de remettre en cause les zones d’activités qui génèrent de l’emploi et contribuent à l’économie. Ce sera un sujet important à l’avenir. Toutefois, les collectivités commencent à faire attention à cela et se posent les bonnes questions.
Le PLU n’est pas obligatoire (article L111-3 du Code de l’urbanisme). Lorsqu’une ville ne dispose pas de PLU, c’est alors le Règlement national d’urbanisme (RNU) qui s’applique.
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