L’acquéreur d’un terrain à bâtir peut se retrouver face à des difficultés pour la réalisation de son objectif de construction en raison de vices affectant le bien acheté. Ces défauts peuvent être d’une gravité telle qu’ils rendent le projet de construction impossible ou extrêmement couteux à réaliser. Cette situation peut conduire l’acquéreur à intenter une action en justice dans le but de remettre en cause la vente du terrain soit par son annulation, soit par sa résolution. La contestation d’une vente de terrain pour motif d’inconstructibilité peut s’opérer sur le moyen d’une action en nullité ou d’une action en résolution de la vente. L’option de l’acquéreur pour l’action en nullité ou pour l’action résolution de la vente dépend de la nature de l’affaire et du motif d’inconstructibilité. Lorsque l’acquéreur fonde son action sur les vices du consentement, son action en justice constitue une action en nullité de la vente alors que dans le cas d’une action en justice fondée sur les vices cachés, son action constitue une action en résolution de la vente. Dans les deux cas, l’acquéreur demande au juge l’anéantissement de la vente du terrain. En effet, la nullité et la résolution d’une vente constituent un anéantissement de la vente du terrain. A cet égard, la Cour de cassation a considéré, dans sa décision du 17 septembre 2014, que « l’action en nullité et l’action en résolution tendaient à l’anéantissement rétroactif du contrat » [1].
Les vices cachés sont régis par l’article 1641 du Code civil aux termes duquel
« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ».
Quant à la contestation de la vente du terrain sur le fondement des vices du consentement, elle peut être faite sur le moyen de l’erreur ou du dol. D’après l’article 1132 du Code civil
« L’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant ».
Dans ce cas, le juge vérifie l’existence d’une erreur sur les qualités substantielles ou essentielles de la chose vendue. L’acquéreur d’une parcelle peut également demander sa nullité sur le fondement du dol.
L’action en anéantissement de la vente d’un terrain peut ainsi s’effectuer sur le fondement des vices du consentement ou sur celui des vices cachés ou sur le cumul des deux fondements. Toutefois, la Cour de cassation a estimé, dans son arrêt du 17 novembre 2004 [2], que dans le cadre de la contestation d’une vente de terrain pour inconstructibilité, l’action en garantie des vices cachés constitue l’unique fondement de l’action exercée. Elle a rappelé le même principe dans son arrêt du 20 mai 2014 [3]. Pourtant la Cour continue, dans sa jurisprudence, à admettre une action en nullité d’une vente de terrain sur le fondement des vices du consentement. Ainsi, dans sa décision du 13 novembre 2014, la cour a examiné successivement la demande d’annulation sur le fondement des vices du consentement et la demande en résolution de la vente du terrain sur le fondement des vices cachés [4]. De même, dans un arrêt du 13 juillet 2017, après avoir reconnu que l’inconstructibilité des terrains constituait un vice caché de la chose vendue, la cour a tout de même accepté d’examiner le moyen fondé sur les vices du consentement et considéré que l’erreur des acquéreurs n’était pas excusable [5]. En outre, lors d’un arrêt du 23 septembre 2020, la Cour de cassation a également retenu que « L’action en garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue n’est pas exclusive de l’action en responsabilité délictuelle fondée sur le dol ou la réticence dolosive commis avant ou lors de la conclusion du contrat » [6].
Par ailleurs, l’action en contestation d’une vente de terrain sur le fondement du défaut de conformité n’est pas admise par la cour qui considère que celle-ci est effectuée sur le fondement de la garantie des vices cachés et non sur celui du défaut de conformité [7]. Elle a ainsi rejeté l’action fondée sur le défaut de conformité dans un arrêt du 11 juin 2014 [8]. De même, le vice affectant un bien immobilier acheté constitue, d’après une décision de la Cour de cassation du 18 janvier 2023, un vice caché de la chose vendue que l’acquéreur doit contester sur le fondement de la garantie des vices cachés et non sur fondement du manquement à l’obligation de délivrance de la chose vendue ou sur celui du manquement au devoir d’information [9].
L’intérêt de ces distinctions entre les moyens fondés sur les vices du consentement et ceux fondés sur la garantie des vices cachés est lié à la nécessité de déterminer le délai de prescription de l’action en garantie contre les vices cachés qui est de deux ans. L’article 1648 précise que
« l’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice ». A cet égard, la Cour de cassation a rappelé, dans sa décision du 21 juillet 2023, que « l’action en garantie des vices cachés doit être intentée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice » [10].
Pour sa part, l’action en nullité d’une vente immobilière pour vices du consentement est soumise à la prescription quinquennale [11].
La présente étude se focalise sur l’anéantissement judiciaire d’une vente de terrain pour défauts affectant sa constructibilité. L’annulation ou la résolution de la vente d’un terrain pour motif d’inconstructibilité peut être demandée à deux occasions. La première occasion est la situation dans laquelle le terrain présente des défauts physiques ou sur ses caractéristiques particulières de nature à le rendre impropre à sa finalité. Dans ces cas, le permis de construire n’est pas remis en cause, mais l’acquéreur découvre des défauts lors de la phase de construction et s’aperçoit que sa parcelle ne correspondant pas à ce qu’il pensait acquérir. Il s’agit de l’anéantissement de la vente en l’absence de remise en cause du permis de construire ou pour défauts sur les caractéristiques particulières du terrain (I). La deuxième situation est celle dans laquelle l’annulation est demandée en cas de remise en cause du permis de construire, c’est-à-dire en cas de refus, retrait, péremption ou annulation du permis de construire (II).
I – L’anéantissement de la vente en l’absence de remise en question du permis de construire.
Les caractéristiques particulières ou physiques d’un terrain peuvent présenter plusieurs vices pouvant justifier la contestation de la vente. Toutefois, l’anéantissement de la vente n’est admis que dans certains cas bien spécifiques : ce sont les situations d’admission de l’anéantissement de la vente d’un terrain en raison des vices sur les caractéristiques du terrain (A). Il existe toutefois des cas dans lesquels la jurisprudence n’admet pas l’anéantissement de la vente (B).
A – Les situations d’admission de l’anéantissement de la vente en l’absence de remise en question du permis de construire.
Un terrain à bâtir peut présenter des défauts physiques ou des vices d’une certaine gravité telle qu’ils le rendent impropre à sa destination ou à l’usage duquel il était destiné par l’acquéreur. Dans ces conditions, il est possible d’obtenir du juge l’annulation ou la résolution de la vente du terrain en question. Ces vices sur les caractéristiques particulières du terrain concernent souvent la solidité ou la stabilité du sol, sa pollution, ses dimensions constructibles, etc.
S’agissant des vices relatifs à la stabilité et à la solidité du sol, ils sont de nature à entrainer des risques tels que l’effondrement ou des fissures sur la construction, ce qui amène le juge à considérer que les vices affectant le terrain le rendent impropre à sa destination. Dans sa décision du 17 janvier 1990, la Cour de cassation a validé la résolution, par une cour d’appel, d’une vente de terrains à cause de l’instabilité du sol. Les terrains en question étaient marécageux et parsemés de trous d’eau mais, en raison du projet de vente, ont été nivelés et remblayés avant de les lotir [12]. Dans son arrêt du 30 mars 2005, la Cour de cassation a approuvé l’annulation d’une vente d’un terrain au motif que des sondages ont révélé que le « terrain était établi sur une ancienne carrière comblée sur une forte épaisseur par des remblais hétérogènes rendant impossible toute construction ordinaire » [13]. La Cour d’appel d’Amiens a également confirmé l’annulation d’une vente d’un terrain à cause de son effondrement dû à la présence d’une cavité souterraine. En effet, dans sa décision du 14 décembre 2021, elle a estimé que les vendeurs du terrain avaient connaissance de l’existence d’une ancienne carrière au sous-sol du terrain, que les acquéreurs avaient l’intention de demander un permis de construire [14]. Lors d’un arrêt du 30 janvier 2014, la Cour d’appel de Bordeaux confirmé la résolution d’une vente de parcelle au motif que le terrain constituait une ancienne gravière remblayée qui nécessitait des fondations spéciales. Les acquéreurs ont ainsi saisi le tribunal en nullité de la vente pour dol et vices cachés. N’ayant pas développé d’arguments sur le moyen du dol, le tribunal a prononcé la résolution de la vente pour vices cachés. Ce chef de jugement a été confirmé par la cour d’appel [15].
L’annulation ou la résolution d’une vente d’un terrain peut également être demandée sur la base de motifs environnementaux lorsque le terrain en question est pollué. Cette pollution le rend incapable à supporter des constructions à usage d’habitation, ce qui le rend impropre à sa destination. Dans sa décision du 8 juin 2006, la Cour de cassation a admis la résolution d’une vente d’un terrain en raison de sa pollution. En l’espèce, une société avait acquis un ensemble immobilier qui était un ancien site de stockage d’hydrocarbures en vue d’y réaliser une opération de construction après démolition des bâtiments. Après avoir découvert l’ampleur de la pollution, les demandeurs ont assigné les vendeurs en vue de la résolution de la vente. La Cour de cassation a fait droit à leur demande en motivant son arrêt par le fait que des opérations d’expertise « avaient mis en évidence que le site restait pollué même en surface, qu’une décontamination complète était problématique et que toute opération de construction était risquée » [16]. Dans une décision du 21 juin 1995, la Cour de cassation a approuvé l’arrêt d’une cour d’appel qui a annulé une vente de terrain à cause de l’inconstructibilité du terrain due à l’existence d’une décharge publique comblée. Malgré la connaissance par les acquéreurs de l’existence d’une ancienne décharge publique sur le terrain vendu, la Cour de cassation a validé l’annulation de la vente en fondant sa décision sur le fait que cette circonstance ne « dispensait pas le vendeur de mentionner les conditions exactes dans lesquelles cette décharge avait été exploitée, puis comblée » et d’ajouter que les acquéreurs « n’étaient ni en mesure de connaître les anomalies contenues dans les profondeurs du terrain, ni d’apprécier à leur juste valeur les problèmes soulevés par leur projet de construction sur ce terrain » [17].
Les défauts sur les aspects physiques ou les caractéristiques particulières de la parcelle peuvent également porter sur sa surface constructible. Un terrain peut parfaitement correspondre à la surface déclarée par le vendeur mais révéler une surface constructible plus réduite. Les raisons de la réduction de la surface constructible peuvent être dues à l’existence d’une servitude grevant une partie du terrain ou à l’existence d’un plan d’urbanisme classant une partie du terrain dans la zone non constructible, soit la zone agricole, forestière ou à urbaniser. Dans ces conditions, l’acquéreur peut demander l’annulation ou la résolution de la vente.
Dans sa décision du 15 décembre 1981, la Cour de cassation a approuvé l’annulation d’une vente d’un terrain pour erreur sur sa surface constructible. En l’espèce, les plans annexés à la vente étaient inexacts, car ils indiquaient que la longueur de la façade du terrain était de 15,50 mètres, mais la réalité a révélé que la longueur était de 12,55 mètres. La cour justifie l’annulation de la vente du terrain par le fait que les acquéreurs avaient manifesté l’intention d’y construire une maison à usage d’habitation, que la longueur de la façade sur la voie publique était un élément essentiel de sa constructibilité et que « les dimensions du terrain avaient été considérées par les parties comme une qualité substantielle de la chose vendue » [18]. Dans sa décision du 28 janvier 2009, la Cour de cassation a admis l’annulation d’une vente d’un terrain en considérant que le consentement des acquéreurs avait été vicié pour erreur sur les qualités substantielles du terrain [19]. En l’espèce, la surface constructible du terrain a été réduite par l’application d’un arrêté ministériel qui imposait une distance de 100 mètre entre l’installation et les habitations, ce qui a vicié le consentement des acquéreurs.
Toutefois, toutes les actions en nullité ou en résolution d’une vente de terrain ne mènent pas nécessairement à l’anéantissement de la vente, car la jurisprudence prend en compte plusieurs aspects pour évaluer le degré du vice du consentement de l’acquéreur ou du vice caché.
B – Les hypothèses d’annulation ou de résolution exclues par la jurisprudence.
Les actions en nullité ou en résolution des acquéreurs sont souvent fondées sur l’erreur sur la substance ou qualités essentielles du terrain vendu, les vices cachés ou le dol, ce qui suppose que les acquéreurs ignoraient le vice au moment de l’acte de vente. Cette ignorance du vice peut découler de l’erreur, du dol ou du caractère caché du vice. Mais il arrive que la jurisprudence réfute l’argument des vices du consentement ou des vices cachés dont se prévaut l’acquéreur et refuse l’annulation ou la résolution de la vente du terrain.
S’agissant des vices cachés, la jurisprudence n’admet leur garantie que lorsqu’ils étaient inconnus des acquéreurs lors de la vente du bien. A défaut, il y a un grand risque que leur action en garantie des vices cachés soit rejetée au motif que le vice était apparent. En effet, l’article 1642 précise clairement que
« le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même ».
A l’occasion d’une décision de juillet 2013, la Cour de cassation a cassé un arrêt d’une cour d’appel qui a retenu la garantie des vices cachés pour un terrain pollué. Le Cour de cassation a fondé sa décision de casser l’arrêt sur le fait que l’acquéreur « était parfaitement informée des activités qui avaient été exploitées sur le terrain et qu’elle n’était pas fondée à se prévaloir de l’existence d’un vice caché » [20], ce qui exclut le vice caché. Elle également cassé un arrêt d’une cour d’appel qui a retenu l’existence de vices cachés suite au constat par les acquéreurs de l’existence de remblais de plusieurs mètres sur le terrain. Elle a reproché à la cour d’appel d’avoir retenu l’existence d’un vice caché « sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le vice n’était pas apparent lors de la vente » [21].
Par ailleurs, les actions en contestation d’une vente d’un terrain sur le fondement de l’erreur ou du dol peuvent se heurter au refus des juges lorsque les acquéreurs disposaient, lors de l’achat du bien immobilier, de suffisamment d’informations de nature à les éclairer sur la nature et l’étendue des vices affectant le bien. Ainsi, dans sa décision du 11 juin 2014, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi des acquéreurs d’un terrain de leur action en dommages et intérêts fondée sur le dol lorsque ces derniers ont découvert des difficultés relatives à la constructibilité du terrain, lequel nécessitait des fondations spéciales en raison de la nature du sol. Toutefois, la cour a rejeté leur demande au motif que cette information découle d’une étude géotechnique dont ils avaient connaissance au moment de la vente [22]. Ce même raisonnement a été appliqué par la cour lors d’une action en nullité visant la vente d’un immeuble. En effet, les acquéreurs ont découvert un vice affectant l’état du sous-sol de l’immeuble. La cour a refusé les arguments des acquéreurs et souligné leur manque de diligence en considérant qu’ils auraient dû se renseigner plus amplement et se convaincre eux-mêmes des difficultés dues à la proximité de la carrière qui étaient de notoriété publique [23].
Dans sa décision du 4 novembre 1993, la Cour de cassation rejeté l’action en nullité d’une vente sur le fondement du dol. En l’espèce, les acquéreurs du terrain, après la construction et la réception des travaux, ont été confrontés à un problème de bruit et de vibrations en provenance d’une usine à proximité. Ils ont ainsi assigné le vendeur du terrain en annulation de la vente. La cour a rejeté leur demande d’annulation de la vente du terrain en motivant son arrêt par le fait que « lors de leur visite du lotissement les époux Schena, qui devaient être spécialement attentifs aux ouvrages environnants dès lors qu’ils s’étaient réservés les travaux d’isolation de leur maison, avaient nécessairement constaté la présence évidente, en bordure de la parcelle qui leur était proposée, de l’usine Delachaux dont, étant domiciliés à Saint-Dizier, ils ne pouvaient ignorer ni l’activité ni les nuisances en découlant, qu’il leur était facile de vérifier, d’où il résultait qu’ils avaient été exactement renseignés sur les caractéristiques particulières du terrain vendu et les risques courus » [24].
Il convient toutefois de rappeler que les erreurs de l’acquéreur peuvent parfois être jugées excusables en raison de la technicité d’une contrainte ou de l’insuffisance des précisions qui leur ont été fournies par le vendeur. Dans ces conditions, la jurisprudence admet l’existence d’une erreur malgré la connaissance par l’acquéreur des vices affectant le terrain. Ainsi, dans sa décision du 13 janvier 2014, la Cour d’appel de Riom a donné gain de cause à des acquéreurs de leur action en nullité de la vente d’un terrain qui, pourtant étaient informés de la présence d’une zone humide et de la nécessité de prendre des précautions pour la réalisation de la construction envisagée. La cour a motivé son arrêt en considérant le « caractère totalement disproportionné des travaux obligatoires à réaliser sur la parcelle vendue du fait de sa nature et qu’ils n’ont pu envisager, lors de l’acquisition, avec les seules mentions peu précises, une telle complexité dans les démarches à effectuer et autorisations diverses à obtenir et surtout la réalisation de tels travaux » [25].
Dans un arrêt du 22 septembre 2015, la Cour d’appel de Caen a suivi le même raisonnement pour l’annulation d’une vente d’un terrain malgré la connaissance par les acquéreurs du vice de ce dernier. En l’espèce, lors de la vente du terrain, les acquéreurs étaient informés de la présence d’une canalisation souterraine, ce qui a considérablement réduit la surface constructible. La cour a admis l’annulation de la vente du terrain au motif que les acquéreurs « n’auraient pas réalisé cette acquisition dans les mêmes conditions s’ils avaient su que seule une petite zone du terrain pouvait supporter une « construction » [26].
Toutefois, l’annulation ou la résolution d’une vente d’un terrain peut, dans certaines conditions, être recherchée en cas de refus, de retrait, péremption ou d’annulation du permis de construire.
II – L’anéantissement de la vente en cas de refus, retrait, péremption ou annulation du permis de construire.
On distingue ici les situations pouvant justifier l’anéantissement de la vente d’un terrain (A) et les situations exclues pour l’anéantissement de la vente (B).
A – Les situations pouvant justifier l’anéantissement de la vente d’un terrain en cas de remise en question du permis de construire.
L’acquéreur d’un terrain dont l’objectif est d’y édifier une construction peut voir son projet de construction être remis en question par un acte administratif ou juridictionnel. L’acte administratif fait référence à la décision de l’autorité compétente de refuser d’accorder le permis ou, après l’avoir accordé, de le retirer. L’acte juridictionnel de remise en question de l’autorisation d’urbanisme consiste en son annulation par une juridiction administrative après un recours des personnes physiques ou morales ayant intérêt à agir.
Les juridictions de l’ordre judiciaire sont souvent confrontées à la situation par laquelle un acquéreur sollicite l’annulation ou la résolution de la vente du terrain lorsque l’autorisation d’urbanisme est remise en cause quelles qu’en soient les raisons. Ceci a donné lieu à une jurisprudence abondante, mais assez complexe. L’action en nullité ou en résolution d’une vente de terrain peut être intentée sur le fondement du dol, de l’erreur ou des vices cachés.
Lorsqu’elle est intentée sur le fondement du dol, le juge vérifie si le comportement dolosif du vendeur est caractérisé. Dans une telle situation, sauf manque de prudence inexcusable, l’annulation de la vente est prononcée par la juridiction saisie. Ainsi, dans son arrêt du 11 juin 2013, la Cour de cassation a validé l’annulation, par une cour d’appel, d’une vente d’un terrain suite au retrait du permis de construire initialement accordé aux acquéreurs. En l’espèce, le retrait du permis de construire a été justifié par le fait que le terrain était classé pour partie en zone non constructible. La Cour de cassation a identifié un comportement dolosif et considéré que la venderesse « avait une parfaite connaissance de la situation juridique de la parcelle litigieuse » et « qu’elle avait caché à l’acquéreur que le terrain litigieux était grevé d’une servitude d’alignement diminuant encore sa surface constructible et rendant irréalisable son projet de construction » [27]. Un arrêt du 9 octobre 2013 de la Cour de cassation a également approuvé l’annulation, par une cour d’appel, d’une vente de terrain suite à l’annulation du permis de construire accordé aux acquéreurs. Pour justifier sa décision, la cour a mis en exergue la « fausse déclaration initiale faite par les époux Y… sur la distance séparant le terrain litigieux des bâtiments de l’élevage le plus proche dans le but de tromper les acquéreurs afin de valider leur projet de construction avait, à la date de la signature de l’acte, conforté l’erreur des époux X… sur les qualités substantielles du terrain dont la constructibilité constituait un élément déterminant de leur consentement et rendu cette erreur excusable » [28].
S’agissant de l’anéantissement d’une vente de terrain pour vices cachés ou pour erreur sur ses qualités essentielles, son régime juridique est assez complexe et fait appel à plusieurs éléments pour apprécier l’erreur par rapport à la date de l’achat du bien immobilier. A cet égard, la jurisprudence a connu beaucoup d’évolutions. Ainsi, dans un premier temps, la Cour de cassation avait cassé la décision d’une cour d’appel d’annuler une vente de terrain suite au retrait d’un permis de construire en fondant sa décision sur le fait que « « la rétroactivité est sans incidence sur l’erreur, qui s’apprécie au moment de la conclusion du contrat, la cour d’appel a violé le texte susvisé » [29].
Cependant, la Cour de cassation avait fini par changer d’approche et admettre l’annulation d’une vente d’un terrain en cas de remise en question du permis de construire en se basant sur l’intention des acquéreurs et la réalité du motif d’inconstructibilité au moment de la conclusion du contrat. Ainsi, dans sa décision du 12 juin 2014, la cour a admis qu’elle prenait en compte la réalité du terrain au moment de la vente. En l’espèce, suite à une vente d’un terrain à usage d’habitation, le permis de construire délivré aux acquéreurs avait finalement été retiré par l’administration en raison de la suspicion de la présence d’une cavité souterraine. La vente fut annulée par la cour d’appel. La Cour de cassation entérina cette décision d’annulation de la vente du terrain en fondant sa décision sur le fait « qu’ayant relevé que la constructibilité immédiate du terrain était un élément déterminant du consentement des acquéreurs et constaté que le risque lié à la présence d’une cavité souterraine existait à la date de la vente, la cour d’appel a pu en déduire que la décision de retrait du permis n’avait fait que prendre en compte la réalité de ce risque empêchant les acquéreurs de construire et que la vente était nulle » [30].
Par cette décision, la Cour de cassation admet la possibilité d’annuler une vente de terrain si la raison de son inconstructibilité existait au moment de la vente. Dès lors, l’annulation de la vente du terrain dépend de la réalité urbanistique et physique de ce dernier au moment de la vente, ce qui n’est pas une opération aisée à déterminer en raison des nombreux motifs de retrait, refus ou d’annulation d’un permis de construire. Pour que l’annulation ou la résolution de la vente du terrain soit accueillie par le tribunal, il faut que le risque d’inconstructibilité de la parcelle ait existé au moment de la vente. Dans l’arrêt du 12 juin 2014, la Cour de cassation a jugé que la présence des cavités souterraines existait à la date de la vente du terrain, ce qui l’a poussé à admettre l’annulation de la vente. L’annulation de la vente était donc fondée sur un défaut inhérent à la parcelle qui le rendait inconstructible. La Cour d’appel de Rouen a suivi le même raisonnement pour admettre la nullité de la vente d’un terrain après le retrait du permis de construire postérieur à l’acte de vente à cause de l’existence d’une ligne de haute tension à proximité. La cour d’appel a ainsi fondé l’annulation de la vente sur le fait que les acquéreurs de la parcelle « n’auraient pas acquis le terrain pour y construire leur maison et y loger leurs jeunes enfants s’ils avaient eu connaissance de ce qu’il s’agissait d’une ligne à très haute tension » [31]. Toutefois, dans d’autres situations, l’inconstuctibilité n’est pas liée à un vice physique ou une caractéristique particulière de la parcelle mais plutôt à une décision administrative ou juridictionnelle ayant remis en cause le permis de construire. Dans une telle situation, la cour vérifie, lorsque le permis ou le Plan local d’urbanisme est annulé par le tribunal administratif, si au moment de la vente il existait des procédures devant la juridiction administrative visant l’annulation de ces derniers. C’est le cas de la décision de la Cour de cassation du 15 juin 2022 dans laquelle elle a jugé que « « l’annulation de la modification du PLU, ayant rendu le bien inconstructible, avait été prononcée sur le fondement de cinq recours exercés par des habitants de la commune, avant la date de la signature de la promesse synallagmatique de vente, et que l’existence de ces procédures était inconnue des parties, ce dont il résultait que le risque d’inconstructibilité totale du terrain préexistait à la vente et qu’il était imprévisible pour les parties » [32]. Cependant, lorsque les recours contentieux ayant entrainé l’annulation ou la caducité du permis de construire ont été initiés après la vente du terrain, la jurisprudence exclut la rétroactivité de l’annulation ou de la caducité du permis [33].
Lorsque la remise en question du permis de construire découle d’un acte administratif, comme c’est le cas d’un nouveau PLU ou d’un nouvel arrêté restreignant les conditions de construction sur le terrain vendu, la cour vérifie si au moment de la vente du terrain l’acte administratif était déjà exécutoire afin d’admettre l’annulation de la vente. Ainsi, dans un arrêt du 22 avril 2022 rendu par la Cour d’appel de Nîmes, les acquéreurs sollicitaient l’annulation de la vente du terrain en raison du refus du permis de construire. La cour d’appel a rejeté leur action en considérant que l’arrêté préfectoral ayant rendu le terrain inconstructible est entrée en vigueur trois jours avant la vente du terrain [34]. En revanche, dans la décision de la Cour de cassation du 25 mai 2023, bien que l’acquéreur demandait uniquement des dommages et intérêts fondés sur l’obligation de délivrance après une vente, la Cour de cassation a montré l’importance du jour d’entrée en vigueur de l’acte administratif par rapport à la date de la vente. En l’espèce, un terrain constructible a été classé en zone non constructible par une modification du Plan local d’urbanisme. Quelques jours après son classement en zone inconstructible, il a été vendu, mais la Cour de cassation a refusé à l’acquéreur les dommages et intérêts au motif qu’au jour de la vente, la délibération du conseil municipal ayant modifié le PLU n’était pas entrée en vigueur [35]. Donc, au jour de la vente, aucune norme ne rendait le terrain inconstructible.
Dans son arrêt du 24 novembre 2016, la Cour de cassation a exclu l’annulation et la résolution d’une vente de terrains, ainsi que la garantie des vices cachés sollicitées par les acquéreurs, après que le permis ait été retiré en raison du risque d’inondation. La Cour de cassation a motivé sa décision par le fait que le recours du préfet ayant entrainé le retrait du permis de construire est intervenu après la vente des terrains [36].
S’agissant d’un permis de construire devenu caduc, la Cour de cassation vérifie si au jour de la vente le permis était valable. Ainsi, dans son arrêt du 22 juin 2023, il était question d’un permis de construire refusé après la caducité du premier permis obtenu. Les acquéreurs ont ainsi demandé la nullité de la vente du terrain. Mais la cour a considéré qu’au jour de l’acte de vente du terrain, il était constructible pour une durée donnée avant sa caducité, et que « l’inconstructibilité ne constituait pas un défaut inhérent au terrain lors de la vente mais résultait de l’écoulement de la durée légale de dix ans de l’arrêté de lotissement » [37].
B – Les cas exclus ou insusceptibles d’entrainer l’anéantissement de la vente.
L’action en nullité ou en résolution d’une vente de terrain peut être rejetée par le juge lorsque ce dernier constate que, malgré l’inconstructibilité du terrain, l’erreur commise par l’acquéreur est inexcusable, que son consentement n’a pas été vicié ou que le vice n’était pas caché.
L’erreur inexcusable correspond aux situations dans lesquelles l’acquéreur a fait preuve d’un manque d’attention ou de prudence lors de l’achat du terrain, ce qui pousse le juge à considérer que le vice du consentement n’est pas caractérisé. Lors de la signature de l’acte de vente, l’acquéreur peut disposer de certaines informations sur l’état du terrain ou des risques auxquels il est exposé sur son inconstructibilité. La Cour de cassation a, dans sa décision du 13 juillet 2017, validé l’arrêt d’une cour d’appel ayant débouté des acquéreurs de leur action en nullité de la vente de terrains après que le permis de construire sollicité leur a été refusé. En l’espèce, trois parcelles avaient été vendues aux demandeurs à l’action en nullité. Après le refus du permis de construire, les acquéreurs ont assigné les vendeurs pour demander l’annulation de la vente des parcelles. La Cour de cassation, pour valider la décision de la cour d’appel, a considéré que « l’acte de vente mentionnait expressément que le bien vendu était situé, en vertu d’un arrêté préfectoral, dans le périmètre de protection d’un forage » et que les acquéreurs « déclaraient avoir eu parfaite connaissance de cette décision et retenu qu’ils disposaient ainsi des éléments d’information qui leur auraient permis, avec un peu d’attention et de discernement, de ne pas commettre une erreur sur la constructibilité, la cour d’appel a exactement déduit, de ces seuls motifs, que leur erreur n’était pas excusable et que leur demande devait être rejetée » [38].
Par une décision du 13 novembre 2014, la cour a semblé sanctionner un manque de vigilance des acquéreurs afin de rejeter leurs demandes en annulation et en résolution de la vente du terrain. Dans cette affaire, les acquéreurs d’un terrain constructible se sont vu refuser leur permis de construire en raison du classement de la parcelle en zone non constructible. Pour rejeter leur demande d’annulation de la vente, la cour a considéré que les acquéreurs « ne pouvaient ignorer l’enquête publique ordonnée dans le cadre de la révision du plan de prévention des risques naturels d’inondation et avaient accepté d’acquérir en toute connaissance de cause un terrain partiellement inondable, donc partiellement inconstructible et exactement retenu qu’ils ne pouvaient invoquer une décision administrative postérieure à la vente classant le terrain intégralement en zone inconstructible pour justifier leur demande d’annulation du contrat pour erreur sur la substance, l’extension de l’inconstructibilité à toute la surface du terrain et le refus de délivrance du permis de construire n’étant pas inéluctables au jour de la vente, la cour d’appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision » [39]. Sur le moyen fondé sur la résolution de la vente, la cour a estimé que le « terrain était partiellement constructible et que la totalité de la parcelle n’avait été classée en zone inconstructible inondable que par arrêté préfectoral du 20 avril 2006, la cour d’appel a pu en déduire que les acquéreurs ne rapportaient pas la preuve qui leur incombe d’un vice d’inconstructibilité antérieur à la vente ». Bien que la cour ait relevé le manque de prudence des acquéreurs d’avoir acheté un terrain en toute connaissance de cause, il convient de préciser que le terrain était constructible au jour de la vente et que l’inconstructibilité n’est intervenue qu’après la vente, ce qui est conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation sur l’appréciation de l’erreur au moment de la vente. Le même principe a été appliqué par la Cour d’appel de Grenoble dans son arrêt du 1ᵉʳ décembre 2020 dans lequel les acquéreurs d’un terrain se sont vu retirer leur permis de construire par le maire. Pour confirmer le jugement du tribunal les ayant déboutés de leur action en nullité de la vente, la cour d’appel a jugé que l’acte de vente comportait un certificat d’urbanisme qui précisait que « lors du dépôt d’une demande de permis de construire un sursis à statuer pourrait être opposé en raison de la révision du document d’urbanisme » et conclu que « les appelants ont cependant conclu l’acte de vente en toute connaissance de cause et ne sont donc pas recevables à invoquer une quelconque constructibilité immédiate ». Par conséquent, les acquéreurs ne rapportaient pas la preuve d’une erreur excusable sur les qualités substantielles du terrain [40].
De même, ne peuvent invoquer la nullité de la vente pour vice de leur consentement des acquéreurs qui n’ont pas « formalisé leur demande de permis de construire dans le délai fixé par l’avant-contrat pour la réalisation de cette condition suspensive à laquelle ils avaient expressément renoncé lors de la signature de l’acte de vente » [41]. Dans son arrêt du 11 juin 2013, la Cour de cassation a souligné l’erreur fautive et le manque d’attention d’une société immobilière. En l’espèce, la SCI a acquis des terrains aux fins d’y ériger des constructions. S’étant rendu compte que ces terrains se trouvaient dans une zone inconstructible, la SCI a assigné le vendeur en nullité et en résolution de la vente des terrains. Pour rejeter son action en nullité de la vente pour vice du consentement, la Cour de cassation a jugé que « l’erreur invoquée par la SCI, professionnelle des opérations immobilières, apparaissait comme fautive pour avoir été provoquée par son imprudence et donc inexcusable » [42]. Sur la demande de résolution de la vente, la cour, pour rejeter ce moyen, a jugé que « le vice de la chose était apparent ». Ainsi, les erreurs ou négligences de l’acquéreur d’un terrain peuvent être à l’origine du refus ou de la péremption du permis de construire délivré précédemment. Dans ces situations, la Cour de cassation rejette l’action en nullité de la vente de l’acquéreur fondée sur l’erreur. Dans sa décision du 9 mars 1988, la Cour de cassation a constaté que le terrain était parfaitement constructible au jour de la vente et que l’acquéreur « n’établissait pas que son consentement aurait été vicié par erreur ou par dol et que le terrain se trouvant sous sa responsabilité, il appartenait à cette société, professionnelle de la construction, ne pouvant ignorer la règlementation relative à la péremption du permis de construire, d’accomplir les diligences nécessaires pour obtenir le transfert à son profit de l’autorisation de construire » [43].
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