EXCLUSIF. Eric Piolle a répondu aux questions d’actu Grenoble dans le cadre d’une interview de plus d’une heure, mardi 17 octobre 2023.
Le maire de Grenoble dresse un bilan de sa politique à la moitié de son second mandat : immobilier, sécurité, taxe foncière ou mobilités.
L’élu écologiste est également revenu sur les polémiques suscitées par les propos de certains élus LFI au sujet de la guerre entre le Hamas et Israël, notamment ceux de Danièle Obono. Eric Piolle évoque des déclarations « pathétiques » et « indécentes ».
Le maire de la capitale des Alpes confie à notre rédaction son souhait de jouer un rôle majeur dans l’élection présidentielle de 2027.
Hamas : « Des crimes contre l’humanité d’une organisation terroriste »
Actu : Quels mots souhaitez-vous employer sur le conflit entre Israël et le Hamas ?
Eric Piolle : J’ai été plombé par ces actes terroristes de la pire espèce. Ce sont des crimes contre l’humanité qui ont été commis par le Hamas, une organisation terroriste qui oppresse également le peuple palestinien. Ils souhaitent uniquement la négation d’Israël.
Donc il y avait à la fois cette horreur des actes terroristes d’une barbarie sans nom, mélangée à une colère vis-à-vis du Hamas que l’on a laissée prospérer, y compris Benjamin Netanyahou. De plus, il y a une peur face à ce que l’on a devant nous : une cascade de crimes de guerre. Une riposte d’une violence extrême dans laquelle on constate aussi des crimes de guerre : plus de 700 enfants sont morts à Gaza.
C’est une certaine tristesse qui me plombe depuis 10 jours.
En lien avec les déclarations de certains élus LFI au sujet de la guerre Israël-Hamas, mais pas uniquement, êtes-vous toujours membre de la Nupes ?
E.P : Depuis que je suis en politique, en 2014, je suis partisan de l’union de la gauche et des écologistes. Une fois que l’on a dit ça, ce n’est pas de toute la gauche par principe. Il y a toute une gauche productiviste qui accompagne le système néo-libéral. Cela ne me parle pas.
Nous avons fait une alliance similaire à celle de la Nupes à Grenoble, pour gagner les élections municipales de 2014.
Mais la Nupes est une alliance électorale datant de juin 2022… Et puis voilà.
Le candidat de la gauche en 2027 « ne sera pas Jean-Luc Mélenchon »
Cette alliance de la Nupes n’ira pas au-delà ?
E.P : C’est le principe d’une alliance. Une alliance est faite pour une élection précise. Je suis favorable à une alliance entre la gauche et les écologistes pour 2027, pour un processus qui désigne un candidat unique et pour un programme commun.
Et on sait que ce candidat unique ne sera pas Jean-Luc Mélenchon parce qu’il ne fait pas consensus, c’est le moins que l’on puisse dire. Il n’y a aucun candidat naturel pour représenter cet axe humaniste. Mais nous sommes un certain nombre à être en capacité de gouverner, à avoir envie de travailler ensemble et de proposer une candidature commune. Heureusement, l’élection présidentielle est dans quatre ans.
Le débat autour de la Nupes ne me semble pas très sain. Il se rajoute un côté pathétique de voir que certains refusent de qualifier le Hamas de groupe terroriste. En pratique, Jean-Luc Mélenchon et certains de ses proches souhaitent figer la situation de 2022, sauf que nous n’avons ni programme ni candidat pour 2027.
Avez-vous eu des remontées d’informations concernant des actes antisémites à Grenoble ?
E.P : Nous n’avons pas eu d’alerte particulière, mais c’est effectivement un sujet d’attention. La lutte contre l’antisémitisme a toujours fait partie de notre projet politique. Il ne faut pas sous-estimer l’antisémitisme en France.
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La taxe foncière pour financer la gratuité des transports ?
Avec l’augmentation de la taxe foncière, ne craignez-vous pas une augmentation des inégalités entre les habitants ?
E.P : C’est tout le contraire. Sur les 38% de propriétaires résidents à Grenoble, 9 sur 10 sont dans la moitié haute des revenus et plus de la moitié d’entre eux payait encore une taxe d’habitation à l’automne 2022.
On a fait le choix de créer un bouclier social et climatique en taxant les propriétaires. Cela nous permet d’investir dans la santé, l’alimentation, l’éducation, l’accès à la culture, le logement. Donc, nous assumons totalement ce choix en demandant à ceux qui ont plus d’argent de payer plus d’impôts.
Je sais que des propriétaires peuvent avoir des difficultés financières. 5% d’entre eux sont exonérés, car ils ont plus de 75 ans et ont des bas revenus. Les autres peuvent être accompagnés par le centre d’action sociale.
En parallèle, une nouvelle augmentation de la taxe foncière dans les prochaines années est-elle envisageable ?
E.P : Non. La dernière augmentation de la taxe foncière à Grenoble datait de 2008 et lors de mon premier mandat, j’ai tenu à ne jamais l’augmenter. Aujourd’hui, la mairie fait le choix de développer un bouclier social et climatique et de préserver le service public de l’inflation en augmentant la taxe foncière.
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Les revenus de la taxe foncière, vont-ils être utilisés pour financer la gratuité des transports en commun ?
E.P : Dans notre programme du premier mandat en 2014, nous avions un engagement pour la gratuité des transports pour les 18-25 ans. Nous avons réussi à trouver un accord politique avec le Smmag (Syndicat Mixte des Mobilités de l’Aire Grenobloise) pour baisser trois années consécutives, mais pour la gratuité totale, nous avons fait face à un blocage des socialistes et des élus de droite.
Dans notre campagne de 2020, nous défendions la gratuité le week-end et la gratuité pour les personnes précaires. Problème, ça n’arrive pas. Nous n’avons pas la main sur ce dossier donc nous militons auprès du Smmag et de la Métropole de Grenoble.
Pour les plus précaires qui vivent à Grenoble, nous devons trouver une solution. Nous sommes en discussion avec le Smmag pour trouver un accord et trouver une méthode administrative efficace. J’espère que ce sera le plus tôt possible.
Je pense que la gratuité des transports le week-end est possible financièrement, mais encore une fois, la décision finale revient au Smmag.
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La ZFE à Grenoble « n’est pas assez ambitieuse »
Est-ce que la ZFE, présentée par la Métropole de Grenoble (planning, aides, dérogations), vous satisfait-elle ?
E.P : Ce n’est pas assez ambitieux. Nous pensons qu’une Zone à faibles émissions non permanente n’est pas la solution. Le débat se situe entre deux camps : la ZFE est anti-sociale pour ceux qui n’ont pas accès aux transports en commun ou la ZFE est anti-sociale parce que les gens qui vont respirer l’air pollué vont mourir.
La mairie de Grenoble souhaite une ZFE permanente et des moyens d’accompagnement à la hauteur. En revanche, le calendrier de la Métropole est bon. Il est important de préciser que l’État est le premier responsable puisqu’il se défausse totalement sur les collectivités locales.
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Où en êtes-vous, au sujet de la tarification différenciée des parkings pour les SUV ?
E.P : Nous demandons de l’aide à la Métropole et à l’État puisque cela dépend d’un logiciel technique nous permettant de mettre cette tarification différenciée en place.
Concrètement, le logiciel permettrait de changer le tarif au niveau des parcmètres. Nous travaillons aujourd’hui sur ce logiciel.
Je ne peux pas annoncer de dates précises sur cette mise en place.
« Besoin de plus de logements sociaux à Grenoble »
Grenoble est l’une des seules villes où le prix de l’immobilier est encore en augmentation. Comment l’expliquez-vous ?
E.P : La construction et l’augmentation des prix ne sont pas liées. Mais il est certain qu’il n’y a pas assez de construction, notamment de logements sociaux, comme partout en France. L’État n’écoute pas les appels des maires, associations et entreprises du bâtiment.
Nous sommes passés de 21 à 24,7% de logements sociaux à Grenoble, mais le besoin est très fort. Nous allons changer les règles du plan local d’urbanisme (PLU) pour que, dans certains quartiers, le taux de logements sociaux dans les nouveaux bâtiments construits soit de 45%.
Avez-vous des informations concernant l’encadrement du prix des loyers à Grenoble ?
E.P : Nous attendons la réponse en janvier 2024. C’est la deuxième fois qu’un dossier est déposé pour la mise en place de l’encadrement des loyers. Nous avions essuyé un refus sous prétexte que les prix de l’immobilier n’avaient pas explosé.
La situation actuelle démontre que nous aurions dû le faire avant. La Métropole, qui a envoyé le dossier à l’État, se chargera de définir des zones d’encadrement, si réponse favorable.
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Les acteurs du secteur du BTP notent que dans les Villes et Métropoles écologistes, il y a un frein aux nouvelles constructions. Est-ce votre cas ?
E.P : En France, nous n’avons pas connu de niveau de construction aussi bas depuis 60 ans et ce n’est pas la faute des mairies écologistes.
Mon ambition, comme celle des autres maires écologistes, est d’avoir davantage de logements sociaux. On mise également sur une réhabilitation du parc immobilier.
L’enjeu en matière de qualité de vie et de transition énergétique est la réhabilitation thermique. Sur les bâtiments municipaux de Grenoble, nous avons baissé de 40 % la consommation d’énergie sur les quinze dernières années.
Le Sénat vient de voter un texte permettant au maire d’encadrer les conditions d’attribution des logements sociaux. Allez-vous vous saisir de cette possibilité et si oui, comment ?
E.P : Nous sommes contre. Par ailleurs, nous avons transféré ce droit à la Métropole.
« Les policiers municipaux sont plus en danger en étant armés »
Suite aux émeutes urbaines de juillet 2023, Laurent Wauquiez et Olivier Véran vous ont invité à développer votre parc de caméras de vidéo surveillance. Pensez-vous que cela pourrait être une solution aux problèmes de violences et d’incivilités à Grenoble ?
E.P : Déjà, nous sommes passés de 80 à 120 caméras durant mes deux mandats. Nous mettons de la vidéo surveillance dans les lieux pertinents, c’est-à-dire dans les espaces privés comme les halls d’immeuble, les transports et les bâtiments publics.
Pour les autres sites, les études montrent que ça ne fonctionne pas. Laurent Wauquiez et Olivier Véran viennent me dire, après les émeutes, qu’il faut mettre des caméras de surveillance. C’est aberrant de tenir ces propos. Les pillages, et j’étais présent, ont été réalisés sur des zones couvertes par des caméras.
Les études montrent que les caméras de surveillance n’ont aucun impact de dissuasion et qu’elles ne sont pas utiles pour l’intervention. Et si vous la mettez à un endroit stratégique, elle est vite cassée.
Au regard des fusillades qui éclatent dans le centre-ville, l’armement de la police municipale de Grenoble est-il envisageable ?
E.P : Je pense que les policiers municipaux sont plus en danger en étant armés qu’en ne l’étant pas. Nous avons effectué un travail d’un an, auquel du terme, nous avons convenu qu’ils ne devaient pas être armés.
C’est une décision qui ne changera pas d’ici à la fin de mon mandat.
Vous êtes très critique avec le gouvernement. Qu’attendez-vous de Gérald Darmanin et du ministère de l’Intérieur ?
E.P : J’ai signé une tribune transpartisane pour dire que sur la gestion policière du trafic de cannabis, le ministère de l’Intérieur avait tout faux. S’attaquer aux dealers en bas du réseau ne change rien, hormis des règlements de compte entre eux.
Ce que j’attends, c’est que les élus locaux soient davantage impliqués dans les stratégies de sécurité. Nous avons également besoin d’une transparence sur les moyens engagés dans sa ville. Aujourd’hui, je ne connais pas le nombre de policiers.
Je ne cesse de demander plus de policiers pour Grenoble, notamment une nouvelle compagnie de CRS.
« Je compte être une pièce maîtresse en 2027 »
Vous avez été condamné pour favoritisme dans un dossier. Vous ne ferez pas appel. Pourquoi n’avez-vous pas démissionné ?
E.P : Les trois fonctionnaires impliqués dans ce dossier vont se pourvoir en Cassation. En tant que maire, ma probité n’est absolument pas remise en cause, donc il n’y a pas de raison de démissionner.
La peine est légère puisque j’ai été condamné à 8 000 euros d’amende avec sursis.
Vous avez annoncé que vous ne serez pas candidat à votre propre succession en 2026. Est-ce que vous avez envie de devenir président de la République ?
E.P : Ma volonté de ne pas être candidat en 2026 était annoncée dès 2014. Je vais continuer à m’investir à l’échelle nationale. Je compte bien être une pièce maîtresse d’un programme commun et d’une candidature unique en 2027.
Est-ce que je serai candidat ou un soutien, cela importe peu. Nous sommes un certain nombre, pas grand, de figures qui peuvent peser dans cet arc humaniste.
Propos recueillis par Nicolas Zaugra et Ugo Maillard.
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