Après les mouvements étudiants de l’an dernier, ça bouge encore dans les écoles nationales supérieures d’architecture (Ensa). Trois nouveaux directeurs sont arrivés en cours d’année à Bordeaux, Grenoble et Paris-Est, et deux autres devraient être nommés à Paris-Belleville et Paris-La Villette d’ici septembre. « J’espère que les annonces officielles se feront rapidement car la rentrée se prépare dès maintenant », indique Hélène Fernandez, directrice chargée de l’architecture au ministère de la Culture, administration de tutelle des 20 Ensa de France. En attendant, l’architecte et urbaniste générale de l’Etat se réjouit de l’effervescence autour de l’exposition « Archi-Folies 2024 », présentée jusqu’au 3 septembre prochain au parc de la Villette, à Paris (XIXe).
Pavillons temporaires. Financée par le ministère de la Culture et de nombreux mécènes, cette manifestation regroupe 20 pavillons temporaires conçus et réalisés par les étudiants et leurs enseignants, sous la coordination des Grands Ateliers Innovation Architecture (Gaia) situés à Villefontaine (Isère). Chaque construction représente une discipline olympique des JO d’été de Paris 2024 : athlétisme, aviron, badminton, basket-ball, boxe, canoë-kayak, cyclisme, danse, équitation, escalade, escrime, gymnastique, lutte, pentathlon, rugby, skateboard, surf, tir à l’arc, triathlon et voile. Les fédérations sportives concernées utiliseront les pavillons durant le temps de l’événement, puis ceux-ci seront soit réemployés tels quels ailleurs, soit démontés et recyclés dans d’autres projets pédagogiques à venir.
« C’est essentiel pour les étudiants d’avoir la possibilité de participer durant quelques semaines ou mois à la réalisation de modèles grandeur nature, car ils sont alors dans le concret », estime Thomas Spiegelberger, paysagiste de formation et directeur depuis le 1er décembre 2023 de l’Ensa de Grenoble (Isère). Hélène Fernandez décèle chez les jeunes concepteurs impliqués dans les Archi-Folies une certaine « maturité » par rapport aux mutations du monde qui les entoure. « Je vois en eux une incroyable volonté et une détermination à changer les façons d’exercer leur métier pour être en adéquation avec les attentes d’aujourd’hui, observe-t-elle. Ils ont envie de bâtir différemment, d’explorer de nouvelles voies et d’inventer les formes appropriées. A nous, décideurs et professeurs, d’entendre et de capter cette énergie-là. »
Transition écologique. La question de la transition écologique interroge beaucoup dans les écoles d’architecture. Comment limiter l’impact du secteur de la construction sur l’environnement ? Quelles adaptations opérer sur les bâtiments pour faire face au changement climatique ? Faut-il renoncer à certains projets avec le zéro artificialisation nette (ZAN) des sols ? La période actuelle est charnière, et les futurs maîtres d’œuvre sont en quête de réponses auprès de leurs maîtres de conférences qui reconnaissent, parfois, devoir se former sur ces sujets en même temps que leurs élèves.
L’Ecole d’architecture de la ville & des territoires Paris-Est, installée à Champs-sur-Marne (Seine-et-Marne), réfléchit activement à la manière de mieux traiter les sous-thèmes relatifs à l’écologie, tels que le climat, l’énergie ou encore le vivant. Mathieu Delorme, qui dirige l’établissement depuis le 1er janvier dernier, a porté la création d’une chaire partenariale sur la transition foncière lorsqu’il y était enseignant. « Parler de sols, et de sols vivants, dans un projet d’architecture, d’urbanisme et de territoire à l’heure du changement climatique me semble fondamental, explique-t-il, et cela d’autant plus avec ma formation de paysagiste. » Le rapport à la nature en général, et à la protection de la biodiversité en particulier, a changé au cours des dernières années. « Maintenant, on est obligé de gérer les eaux pluviales à ciel ouvert, de préserver les zones humides et de prévoir des corridors écologiques, car le droit de l’environnement y veille, explique Fabien Ansel, urbaniste et directeur depuis le 1er février dernier de l’Ecole nationale supérieure d’architecture et de paysage (Ensap) de Bordeaux (Gironde). Comment les futures générations de concepteurs seront-elles formées pour appréhender ces enjeux, sachant que l’essentiel des responsabilités va reposer sur leurs épaules ? Et qu’elles sont, d’ores et déjà, soumises à une forme d’éco-anxiété ? C’est pour apporter ma modeste contribution à cette question, et afin de le vivre de l’intérieur, que j’ai proposé ma candidature à l’Ensap. »
Influence du territoire. Les trois nouveaux dirigeants pensent que les territoires ont une influence sur leurs établissements, et inversement. « A Grenoble, le fait d’être entouré par trois massifs montagneux donne une certaine orientation à notre réflexion, remarque Thomas Spiegelberger. Les étudiants qui suivent le master intitulé “Montagnes, architecture et paysage” ont envie de se frotter à ce contexte particulier qui nécessite de construire dans la pente, en considérant les ressources locales disponibles. Cela les sensibilise à la prise en compte de l’environnement proche dans un projet. » Le constat est identique du côté de Bordeaux. « La Nouvelle-Aquitaine est une région absolument passionnante, remarque Fabien Ansel, parce qu’elle rencontre des problématiques très variées liées à la ville, aux territoires ruraux, à l’océan, à la montagne, à l’industrie et à l’agriculture. Avec toute l’équipe de l’Ensap, nous comptons contribuer à l’écosystème local en proposant notre expertise et nos formations. » Des partenariats ont ainsi été noués avec, entre autres, le Conseil régional de l’ordre des architectes, la métropole de Bordeaux et la région Nouvelle-Aquitaine.
Plusieurs Ensa se sont récemment rapprochées d’autres établissements d’enseignement supérieur. C’est le cas de celles de Grenoble et de Paris-Est, devenues respectivement une composante de l’université Grenoble Alpes et de l’université Gustave-Eiffel. Ces deux écoles permettent ainsi à leurs étudiants de bénéficier de services mutualisés qui vont des repas au sport, en passant par l’assistance sociale et la santé. « L’université Gustave-Eiffel ayant pour thématique la ville, cela avait du sens que l’Ensa de Paris-Est contribue à sa création et son développement, explique Mathieu Delorme. De nombreuses collaborations sont à créer avec les disciplines telles que l’urbanisme, la géographie, mais aussi celles des sciences des matériaux, voire la sociologie, la philosophie, la littérature et l’économie. Ce sera l’un des enjeux de ces prochaines années. »
« Epauler les élus face aux défis climatiques et environnementaux », Mathieu Delorme, directeur de l’Ecole d’architecture de la ville & des territoires Paris-Est à Champs-sur-Marne (Seine-et-Marne)
« Une école d’architecture est un service public qui œuvre pour le développement de son territoire. A Paris-Est, nous souhaitons créer un cycle de formation continue à destination de tous les élus, et plus particulièrement ceux de l’est francilien.
A travers ce dispositif, qui pourrait être en place aux prochaines élections municipales de 2026, nous voudrions dire aux élus, expérimentés ou nouvellement arrivés, qu’ils ne sont pas seuls face aux défis climatiques et environnementaux de notre société. Une école d’architecture se trouve sur leur territoire et ses enseignants-chercheurs et étudiants peuvent les accompagner en réalisant des projets pédagogiques et de recherche appliqués à leurs sites à enjeux. Nous souhaitons concevoir ce cycle avec nos partenaires locaux (CAUE 77, Drac, etc.), mais également en synergie avec les 20 écoles d’architecture afin de lui donner une ampleur nationale dans le cadre de la réactualisation de la Stratégie nationale pour l’architecture (SNA) portée par le ministère de la Culture. »
« Former en parallèle à l’architecture et au paysage est une force », Fabien Ansel, directeur de l’Ecole nationale supérieure d’architecture et de paysage (Ensap) de Bordeaux (Gironde)
« A Bordeaux comme à Lille, pouvoir former en parallèle à l’architecture et au paysage est à la fois une chance, une richesse et une force incroyables. Lors du mouvement des “Ensa en lutte” l’an passé, les étudiants et les enseignants-chercheurs ont demandé davantage d’interdisciplinarité entre ces deux matières qui sont sœurs. Depuis, des choses très concrètes ont été mises en place : des enseignements théoriques et pratiques en commun, des projets de fin d’étude mixtes avec un étudiant en architecture et un étudiant en paysage, ainsi que des sauts possibles d’une discipline à l’autre pendant un semestre.
Nous n’en sommes pas encore à proposer un double diplôme, mais nous progressons en créant ces passerelles. Je crois qu’il est essentiel que les architectes et les paysagistes apprennent à bien se connaître dès le début de leur formation. Car leur complémentarité devient de plus en plus importante dans les projets urbains et architecturaux. »
« La recherche est une richesse pour l’enseignement », Thomas Spiegelberger, directeur de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Grenoble (Isère)
« Sur le campus universitaire de Grenoble, que je fréquente depuis dix-sept ans, notamment via le Laboratoire écosystèmes et sociétés en montagne (Lessem) que j’ai dirigé précédemment, on trouve des chercheurs à la pointe de ce qui se fait aujourd’hui. C’est une richesse sur laquelle il faut s’appuyer pour bâtir ensemble de nouveaux enseignements. Imaginez un doctorant qui travaille sur une innovation, par exemple l’utilisation de bois vert dans la construction : il pourrait donner un cours à l’école d’architecture et ainsi transmettre son savoir aux étudiants quasiment du jour au lendemain. C’est pour ça qu’il est important, selon moi, que les trois communautés de chercheurs, enseignants et étudiants puissent se rencontrer à l’Ensa, avec l’appui de l’équipe administrative. Nous avons aussi à proximité le laboratoire CRAterre, une référence mondiale dans le domaine de l’architecture de terre. Toutes ces recherches peuvent nous aider à trouver d’autres façons d’habiter le territoire. »
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