En 2024, Libé explore la thématique de la transition écologique lors d’une série de rendez-vous gratuits et grand public. Objectif : trouver des solutions au plus près des territoires. Troisième étape de notre seconde édition : Grenoble, les 4 et 5 octobre. Un événement réalisé en partenariat avec la métropole de Grenoble et avec le soutien du Crédit coopératif, le groupe Vyv, l’Agence de la transition écologique (Ademe), la Fondation Jean-Jaurès, Oxfam, Greenpeace, le magazine Pioche ! et Vert le média.
«L’adaptation au réchauffement est au centre de toutes nos politiques», tranche Christophe Ferrari, président divers gauche de Grenoble-Alpes Métropole. En 2050, la cuvette grenobloise, cernée de montagnes, devrait subir quarante-trois jours de canicule par an, deux à trois fois plus qu’aujourd’hui… «L’urgence est là, renchérit Margot Belair, adjointe écologiste à l’urbanisme de la ville de Grenoble. Les habitants ont conscience que les étés vont être de plus en plus durs à vivre. Il commence à y avoir des souffrances mais c’est sans commune mesure par rapport à ce qui nous est prédit.» «L’accroissement prévu des épisodes caniculaires, en durée mais aussi en amplitude, est tel que si rien n’est fait, notre agglomération deviendra difficilement vivable, confirme Christophe Ferrari. La question estivale est devenue essentielle.»
L’enjeu ? Eviter que ne restent en ville que ceux qui n’auront pas le choix, faute de moyens financiers. Pour les édiles, il ne s’agit pas simplement de maintenir le nombre d’habitants, coûte que coûte, mais bien dans des conditions permettant d’être heureux et en bonne santé. Les collectivités sont déjà à pied d’œuvre sur la dimension de santé publique d’urgence. Dès 2005, la «métro», avec ses 450 000 habitants, a été la première collectivité à se doter d’un plan climat. En 2022, une convention citoyenne a réuni 100 citoyens des 49 communes de la métropole qui ont formulé près de 200 propositions pour infléchir les politiques publiques. D’ailleurs, après l’été 2023, ses seize jours de canicule et son record de température historique à 42,6 °C, Grenoble a encore musclé son «plan fortes chaleurs». Formation des personnels travaillant avec les enfants, réseaux d’alerte des personnes âgées, fragiles ou précaires, diffusion large auprès de la population d’infos de prévention et d’une carte des lieux de fraîcheur – piscines, parcs, douches municipales, lieux refuges climatisés comme les musées et bibliothèques… Ces mesures sont salutaires mais l’essentiel est aussi du côté des politiques menées pour transformer la ville et en premier lieu ses espaces et équipements publics.
Ilot de verdure
Au quartier Berriat, ex-faubourg ouvrier de Grenoble, dense et pauvre en espaces verts, un petit morceau de ville, autour du groupe scolaire Diderot, termine sa mutation, spectaculaire. Il a bénéficié d’une bonne partie des dispositifs phare de la ville et de la métro. L’école a été agrandie de cinq à huit classes, avec deux nouveaux bâtiments aux murs à ossature bois, toitures végétalisées, ventilations double flux. L’ancienne cour de récré a été débitumée, végétalisée, réaménagée et la nouvelle accueille un jardin pédagogique : c’est le programme Coqueli’cours (sept écoles grenobloises traitées). La rue donnant accès à l’école, autrefois entièrement bitumée, est devenue un large et bel espace quasi piétonnier, au dallage de béton clair entrecoupé d’îlots de verdure, certains vallonnés et arborés, doté d’une borne-fontaine et de mobilier urbain : c’est le programme Place(s) aux enfants, (onze parvis d’écoles grenobloises déjà traités). Plus de grille d’égout : la totalité des eaux pluviales ruisselle vers les îlots de verdure, allant nourrir arbres et buissons. Cette rue-place a été connectée au petit square voisin, dont la superficie a doublé en absorbant d’anciens terrains de sport végétalisés.
Les bâtiments scolaires sont ainsi encerclés d’espaces majoritairement perméables et arborés. Sur l’ensemble, on ne dénombre pas moins de 72 jeunes arbres récemment plantés aux côtés de la vingtaine d’arbres adultes déjà présents. La densité est impressionnante : dans dix ans, cette parcelle située en zone classée «îlot de chaleur urbain intense» sera une oasis de verdure, d’ombre et donc de fraîcheur. «Une petite forêt !» espère l’une des enseignantes, qui regrette la disparition de cinq platanes et d’un marronnier, malades ou situés sur l’emplacement des extensions, et de leur ombre… Si elle est séduite par les aménagements des cours et de la rue, elle avoue n’être «pas du tout convaincue pour l’heure» par la ventilation à double flux, d’usage «pas facile» : «Les enfants ont eu très chaud.» Un travers classique : le rapport à l’aération et à la chaleur est bouleversé par ces nouvelles constructions, l’évolution des usages doit être accompagnée. L’institutrice se veut confiante : «Il y a une volonté de bien faire… Mais on aimerait bien sûr que ça aille plus vite !» Les riverains se réjouissent, à l’image d’Emilie qui attend sa fille devant l’école : «La place, ce sera très agréable, et le parc, c’est déjà super, on y est souvent après l’école et le week-end. Il n’y a pas d’arbre dans notre rue : ici c’est notre espace vert !»
«Créer une ville parc»
A quelques kilomètres au sud, le quartier Flaubert, ancienne zone industrielle située en face de l’emblématique Maison de la culture datant de 1968, est la vitrine de l’urbanisme défendu par les élus grenoblois. Sur 90 hectares, le nouveau quartier accueillera à terme 1 400 logements. Il est encore en chantier : îlot après îlot, entrepôts, usines, parkings et voiries bitumées disparaissent et de nouveaux bâtiments, à la pointe d’une architecture résiliente, sortent de terre. «Nous utilisons toute la palette des outils innovants permettant de rafraîchir la ville La santé et le bien-être des habitants, et donc la lutte contre l’îlot de chaleur urbain, sont devenus le socle de référence de notre projet urbain», insiste Margot Belair.
Face aux nouveaux immeubles parsemés au cœur du quartier, dont l’étonnant Haut-bois, HLM à structure bois, Benoît Ravier, directeur opérationnel de Grinnters, le groupement d’aménageurs publics missionnés par la ville et la métro, résume : «A Flaubert, sur la notion de résilience, nous allons au-delà de la notion d’écoquartier classique. Au-delà de l’isolation, essentielle, nous avons aussi beaucoup travaillé sur l’inertie thermique, avec l’usage de matériaux qui restituent la chaleur l’hiver et la fraîcheur l’été.» Les premiers habitants se disent satisfaits, à l’image de Mohamed, propriétaire d’un appartement de l’immeuble Urban Square : «L’été, on est bien : il suffit de bien baisser les volets, les murs restent frais, on ne sent pas la chaleur extérieure.»
L’autre axe de travail est la conception des îlots et l’aménagement de l’espace public, afin de «créer une ville parc», insiste Margot Belair. La place de la voiture et donc du bitume est réduite au strict minimum : 70 % des espaces publics du nouveau quartier seront désimperméablisés, contre 7 % autrefois, pour éviter l’accumulation de chaleur par les sols et permettre l’infiltration des eaux pluviales. «C’est un paysagiste, associé à un urbaniste, qui est à la coordination du projet, souligne Benoît Ravier. Nous avons pensé les espaces verts avant de définir les emplacements des constructions. Le plan d’urbanisme a été adapté aux arbres existants, préservés.» Les habitants doivent avoir un accès direct à un milieu végétalisé et ombragé en bas de chez eux, poursuit-il : «Nous allons passer de plus en plus de temps dehors, devenir plus méditerranéens.» Ces aménagements, comme les plantations d’arbres, ont à peine commencé à Flaubert : «On les attend, on en a vraiment besoin !» confie Manel, jeune propriétaire d’un appartement de l’immeuble Aromatik. Ici aussi, le travail mené ne démontrera toute son efficacité que dans quelques années…
Rendre la ville plus résiliente
Le défi climatique le plus ardu et stratégique reste pourtant d’adapter le bâti existant : «80 % des logements que comptera l’agglomération en 2050 existent déjà, insiste Christophe Ferrari. Le niveau d’urgence est tel qu’il faut massifier la réponse en termes de rénovation et d’isolation.» Face à «l’appétit inédit» des propriétaires, TPE et PME pour la rénovation thermique (d’abord motivé par la réduction des factures d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi par la multiplication des canicules), il souligne l’importance de l’aide financière et technique apportée par sa collectivité et tacle au passage : «L’effort de la métro n’est pas soutenu à la hauteur des enjeux par l’Etat, ni en moyens financiers, ni en stabilité des dispositifs d’aide, ni en adaptabilité géographique des normes !» Il salue le travail déjà abattu sur le logement social, ce que confirme Stéphane Duport-Rosand, directeur général d’Actis, l’un des principaux bailleurs sociaux grenoblois : «20 % de notre patrimoine a été rénové en thermique, soit 2 200 logements locatifs sur 11 000. Grâce à cette vaste campagne, engagée dès 2010, la part de logements classés F et G dans notre parc est aujourd’hui marginale. Nous allons néanmoins poursuivre.»
A la Villeneuve, quartier populaire grenoblois, l’effet est frappant. Galerie de l’Arlequin, ensemble d’immeubles monumental datant des années 70, les montées 54, 56, 58 et 60 ont été réhabilitées par Actis entre 2018 et 2022 pour 21 millions d’euros (soutenu au quart par l’Etat via l’Agence nationale pour la rénovation urbaine et au dixième par les collectivités locales). L’aspect extérieur est immanquable, par contraste avec les montées voisines encore crasseuses et vétustes. Le 90 voisin, également propriété d’Actis, est d’ailleurs en chantier : la réhabilitation vient de débuter. Ces travaux d’ampleur visent la réduction des consommations d’énergie, la réfection des réseaux, l’amélioration de l’accessibilité avec de nouveaux ascenseurs, des montées segmentées pour desservir chacune moins d’appartements, mais aussi le confort intérieur des appartements, notamment pour faire face aux grandes chaleurs.
Marie-Jo, habitante du 58 depuis quarante ans, confirme : «C’est bien mieux qu’avant ! Il fait meilleur hiver comme été, même quand c’est la canicule !» Enrick l’envie : son appartement au 100, immeuble en copropriété encore non rénové, n’est «pas isolé, simple vitrage : il fait très, très chaud». Les travaux sont prévus alors il patiente : «Ça reste moins dur à supporter ici qu’en centre-ville, il y a plus d’arbres.» L’immense parc de la Villeneuve est déjà un atout majeur. Ville et métro ont décidé de mettre le paquet pour l’agrandir et refondre les espaces publics en pied d’immeubles, dans l’esprit du travail à Flaubert et dans le cadre du projet GrandAlpe, destiné à «mettre au cœur de l’agglomération» les quartiers populaires de Grenoble, Echirolles et Eybens.
Pour rendre la ville plus résiliente, les collectivités avancent donc mais le processus demandera beaucoup de temps et d’énergie, en particulier pour le centre-ville de Grenoble, le plus dense, le plus contraint par sa dimension patrimoniale, et de loin, le point le plus intense de l’îlot de chaleur urbain. Il faudra aussi changer les modes d’organisation du quotidien : modes de travail, horaires, lieux refuge. Adapter la ville ne suffira pas : nos modes de vie aussi devront changer.
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